Films, Livres, Radio : émissions 2012

Shlomo Sand et Camille Clavel décriptent la politique expansionniste israëlienne.

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Le réalisateur Camille Clavel, est parti en Israël, armé de sa caméra, d’autant de détermination que d’ouverture d’esprit, et pas mal d’interrogation avec pour objectif de répondre à cette question prépondérante qui est devenue le titre de son film : Vers où Israël ? Tandis que les images et les témoignages (dont celui de Shlomo Sand), s’enchainent, on comprend que le chemin vers une paix juste et raisonnable risque d’être encore long, très long, à moins que l’on n’en perde , jusqu’à la trace sous quelques ruines et décombres.

La force du film, c’est la liberté de ton des protagonistes de tous bords qu’a choisi d’interroger Camille Clavel. A travers leurs voix on perçoit que plus encore qu’un « monde » plus infranchissable encore qu’un mur rehaussé de barbelés, les sépare. Mais, à la fin du documentaire, quelques exemples de lieux où vivre ensemble est possible, et souhaité, par les Israéliens et les Palestiniens redonne la force d’espérer.

Pour voir le film de Camille Clavel, rendez-vous sur le site de courrier international où il est disponible gratuitement.

Quant à l’historien Shlomo Sand, il s’indigne : « Israël a le droit d’exister mais pas celui d’occuper depuis 45 ans une population entière d’aujourd’hui 4 millions de personnes à qui sont déniées à la fois le droit à l’autodétermination et à la souveraineté, et les droits politiques, civiques, syndicaux des citoyens israéliens. C’est insupportable. On ne pourra pas vivre avec cette situation d’apartheid dans les territoires occupés, avec les routes, les logements séparés. Quant à Israël, les Arabes, qui représentent 25% de la population, y vivent une ségrégation ». Cet historien israélien, qui a passé les deux premières années de sa vie, en 1946-47, dans des camps de réfugiés juifs polonais en Allemagne a publié en 2008, Comment le peuple juif fut inventé, une étude cherchant à prouver que le récit sioniste qui a légitimé la création d’Israël trahirait la réalité. Selon lui, l’histoire selon laquelle les juifs forment un peuple uni par une même origine et possédant une histoire commune remontant aux temps bibliques est un mythe élaboré au 19° siècle. En réalité, le judaïsme aurait traversé les âges surtout du fait de conversions, parfois par tribus ou clans entiers. « J’ai voulu expliquer que les ancêtres des juifs n’étaient pas les Hébreux, de même que les ancêtres des Français ne sont pas les Gaulois, explique-t-il. Malheureusement, beaucoup d’Israéliens aujourd’hui croient qu’ils sont les descendants directs de David et de Salomon » Shlomo Sand vient de publier Comment la terre d’Israël d’Israël fut inventée, un ouvrage qui remet en cause la vision messianique d’une terre promise à un peuple élu. Un ouvrage qui montre comment l’histoire est utilisée pour affirmer ou contester la légitimité des Israéliens ou des Palestiniens sur la même terre du Proche Orient. « Je nie le droit historique des juifs sur la terre de Palestine parce que je suis contre le concept de droits historiques. De même, je n’accepte pas que les Serbes invoquent des droits historiques sur le Kosovo. Et si l’État d’Israël a finalement été créé, ce n’est pas comme fruit d’un droit historique. Sa base, c’est le malheur, c’est l’Europe qui a craché les juifs »

« L’Etat d’Israël ne peut-être à la fois démocratique et juif, car 25% de sa population n’est pas juive » , assène cet ancien étudiant à Paris. Je suis bien sûr d’accord pour qu’Israël soit un État refuge pour les juifs persécutés pour des raisons ethniques ou religieuses. Mais je suis contre l’idée d’un État des juifs pour tout le « peuple » juif. Et je suis stupéfait quand des juifs vivant à New York ou Paris se permettent en plus de justifier la politique expansionniste d’Israël »

Partisan de la paix avec les Palestiniens, Shlomo Sand bute sur une difficulté morale et politique, la question des réfugiés. « Il n’y aura pas d’accord sans qu’Israël reconnaisse la Nakba, la « catastrophe » de l’expulsion des Palestiniens en 1948, ce qui enclenchera un processus d’indemnisation » prévient-il. Mais tout comme, intellectuellement, je m’oppose au concept de droit au retour des juifs, je ne peux accepter la reconnaissance d’un droit au retour des réfugiés palestiniens en Israël. Car on ne peut à la fois reconnaitre le droit à l’existence d’Israël et le droit au retour de 5 millions de réfugiés et descendants de réfugiés vivant à travers le monde. Ce serait la fin d’Israël : Je respecte le rêve du retour. Mais le rêve n’est pas une solution politique, insiste ce citoyen israélien. Je trouve qu’il est aussi criminel d’apprendre aux petits Palestiniens des camps qu’un jour, ils reviendront à Haïfa ou à Jaffa, que d’apprendre aux petits judéo-Israéliens que la Nakba n’a jamais existé. Il faudra permettre le retour de quelques-uns, pour montrer qu’Israël accepte sa responsabilité. Et pour les autres, Israël devra prendre la tête d’un vaste effort d’indemnisation » Lire la suite et partager »