Films, Radio : émissions 2014

Tout va bien : une plongée dans l’univers « philosofoque » des clowns !

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Ecoutez l’émission du 17 février avec Émilie Desjardins et Pablo Rosenblatt

TOUT VA BIEN photo 7Tout va bien (1er commandement du clown), qui vient de sortir au cinéma, est un film sans commentaire… Une plongée, en apnée, avec dix filles et quatre garçons qui ont décider de prendre un tournant dans leur vie : intégrer le Samovar, une école de clown où la « formation »  relève tout autant de l’apprentissage que de l’expérience philosophique, voire de la quête de soi. Les réalisateurs Pablo Rosenblatt et Emilie Desjardins suivent de près les élèves et leurs enseignants , mais sans que, jamais, malgré les émotions qui souvent explosent à l’écran, la caméra ne soit impudique.

Ce documentaire original autant par son sujet que par sa forme enlevée, libre et virevoltante fait le pari audacieux de nous faire découvrir un univers peu connu. Celui de ceux qui, à contre courant d’une société de la performance, se lancent dans une quête : « chercher leur clown » pour apprendre à faire rire de la condition humaine. En suivant leur évolution, leurs prises de conscience, leurs doutes, et leur parcours pavé de moments de grâce, on découvre peu à peu les contours de cet art populaire, vivant, éminemment politique et plus que jamais nécessaire.

Autre particularité bienvenue, les enseignants sont montrés dans toutes leurs dimensions : exigeants, généreux, facétieux et fragiles aussi parfois… Lire la suite et partager »

Films, Radio : émissions 2012

Avec Sombras, Oriol canals porte la parole des migrants au cinéma.

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Écoutez l’émission du 24 septembre avec Oriol Canals

Rencontre avec Oriol Canals, l’auteur de ce film magnifique qui, en faisant entendre leurs voix rend la dignité à ces migrants, échoués en Espagne, mais dont le rêve a fait naufrage. Construit, travaillé, ciselé, ce documentaire ne fait pas que montrer la conditions des clandestins, il la fait sentir. Sans pathos, mais de manière implacable.De Sombras, c’est encore son réalisateur qui en parle le mieux :  « Barcelone, un jour de juin 2000. Aujourd’hui encore, cette légère appréhension avant d’allumer le poste à l’heure du journal télévisé. Je sais déjà que deux bateaux ont fait naufrage au large des côtes andalouses, comme cela arrive de plus en plus souvent, et que très peu de passagers ont survécu. Je me prépare au défilé d’images qui vont m’assaillir : embarcations déchiquetées, cadavres sans nom, naufragés transis de froid, et visages emmurés dans le mutisme, tandis qu’une voix égrènera le triste décompte des morts, des disparus et des survivants. Je sais aussi que ces images me plongeront dans un état de perplexité et de malaise que je connais bien. Mon cœur se soulève à l’idée que de telles choses se produisent encore et encore dans mon pays, sans que rien ni personne ne puisse apparemment l’empêcher. Notre société, dit-on, a atteint un haut niveau de civilisation, et c’est peut-être vrai, mais alors ces faits en constituent le trou noir, insondable et obscène. D’après certaines estimations, chaque année près de quatre mille personnes périssent noyées au large de Gibraltar ou des îles Canaries. De quoi est faite une société qui assiste indifférente à une telle horreur ? Est-il possible de condamner à mort des milliers de personnes au nom de l’équilibre social et économique ? Sommes-nous du moins conscients du prix que nous faisons payer à autrui ?

Cependant, je sais aussi que cette nouvelle sera aussitôt chassée par d’autres, que cet obscur malaise s’estompera et que peu à peu, reprenant mes activités quotidiennes, j’en viendrai à oublier ce que j’ai vu ou lu. Tout au plus, en croisant un Africain dans les rues de Barcelone, me demanderai-je vaguement s’il est lui-même l’un de ces “survivants des flots”. C’est là tout ce qui restera de mon indignation et de ma honte, jusqu’à la prochaine fois où j’allumerai mon poste de télévision en sachant qu’un nouveau cortège de morts silencieuses m’y attend.

Il en a été ainsi pendant un certain temps, jusqu’au jour, il y a déjà sept ans, où cette sensation oppressante a refusé de me quitter. J’ai commencé à garder les coupures de presse, à rechercher des ouvrages et des documentaires sur la question et à regarder plus attentivement les cercles d’Africains dans les rues et sur les places de ma ville. C’est là aussi qu’un deuxième sentiment, la curiosité, a commencé à poindre puis à mûrir lentement jusqu’à se transformer en une envie de plus en plus nette de m’approcher de ces hommes : des hommes qui risquent leur vie pour atteindre cet Eldorado moderne qu’est le “rêve occidental” ; des gens dont on ne parle que pour en dénombrer les cadavres ; des gens que la mer engloutit par milliers et dont on ne saura jamais rien. Qui sont-ils ? Quelles histoires y a-t-il derrière cette hécatombe ? Que deviennent les survivants?

Au début de l’été 2005 je suis enfin passé à l’action, mû par un vague sentiment d’urgence. Je louai une voiture, pris mon matériel de tournage et partis à la rencontre des rescapés.

Sept ans et beaucoup d’aventures plus tard, le film existe. Au cours de sa fabrication, j’ai rencontré des personnes d’un grand courage, qui ont su rester debout, malgré des difficultés souvent inimaginables. Il me reste seulement à espérer que le travail qu’eux et moi avons fait ensemble soit à la hauteur de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont su donner au spectateur, et qu’il serve, ne serait-ce que le temps d’un film, à éclairer les ombres d’une belle lumière et à leur rendre leur dignité.

Alcarràs, un village perdu dans une vaste plaine agricole, au nord de l’Espagne. Je ne connais personne ici, et personne ne me connaît. Mais je sais que le temps de la récolte arrive et qu’ils seront au rendez-vous.

Eux, les rescapés d’une hécatombe silencieuse. Eux, cette multitude discrète, presque fantomatique, cette toile de fond sur laquelle s’écoule paisiblement la vie du village. Deux univers parallèles, vivant côte à côte mais séparés par un fossé invisible, sans un contact, sans un regard.

Je suis bouleversé par la profondeur de leur parole, par sa nature cathartique, par ce retour obsessionnel sur l’empreinte des souffrances endurées, sur le réveil amer du « rêve occidental », sur la honte insurmontable de l’échec, sur la folie, sur la mort et le destin…

C’est à partir de là que le film prend forme dans mon esprit : c’est cette parole qui va lui donner sa « chair », et autour de ces voix, tressées comme un récit collectif, se déroule une mosaïque de propos, de personnages, d’histoires, de lieux et de scènes, un puzzle traversé par des liens souterrains entre la parole et l’image.

Je ne veux pas décrire : surtout pas de film à thèse, pas de plaidoyer… Inscrire ces hommes dans la réalité de leur voyage sans fin et du travail clandestin, oui, mais en tâchant surtout d’épouser leur position dans le monde, de devenir en quelque sorte le passeur de leur univers intime, afin de restituer cette « vie suspendue » qui est le lot de l’existence clandestine, et de rendre à ces personnes une place à part entière dans le monde des « vivants ». Je favorise donc une certaine déréalisation de l’environnement physique afin de souligner l’étrangeté d’un paysage amorphe et de ses espaces chaotiques et frontaliers, vaincus par un dérèglement insidieux, qui forment la géographie de la clandestinité. Lire la suite et partager »

Films, radio : émissions 2011

« Squat, la ville est à nous » : ce qu’habiter veut dire !

Écoutez l’émission du 7 novembre avec Christophe Coello

Le documentaire de Christophe Coello nous  prouve que l’art du Squat n’est pas de tout repos ! Repérages, investigations et recherches pour déterminer la destination et identifier le propriétaire du bâtiment convoité, escalade, descente en rappel, ouverture de portes à l’aide de pieds de biche, nettoyage et restaurations des locaux… Les militants que le réalisateur à suivi, à Barcelone pendant huit ans ne manquent ni d’énergie ni de détermination. Mais le jeu en vaut la chandelle ! En effet bien au delà du fait d’économiser un loyer, il s’agit tout simplement de reprendre les rênes de sa vie, de cesser de collaborer à un système que l’on abhorre … Jubilatoire, Squat, la ville est à nous démontre de manière implacable que la valeur d’usage d’un objet, d’un lieu est mille fois supérieure à sa valeur marchande…. Parce que les liens qui se créent entre les habitants du quartiers et les squatteurs, les pratiques collectives et les échanges d’idées n’ont pas de prix !

Pendant huit ans, de 2003 à 2011, Christophe Coello a filmé de l’intérieur les actions de « Miles de viviendas » (« des milliers de logements »), un groupe de flibustiers barcelonais qui invente mille façons de repousser les murs du possible. Gloria, Vicente, Ada et les autres ne se contentent pas d’investir des habitations promises à la culbute financière, ils impulsent la résistance à l’échelle du quartier.

Dans sa forme, le film, produit par Annie Gonzales de CP prod est rythmé, extrêmement vivant, à l’image des protagonistes dont on suit les aventures. Et puis cela fait du bien de voir un film qui se passe d’un commentaire en voix off ! Du coup, on sort de la salle avec une envie de lever la tête, histoire de regarder si  quelques fenêtres sans rideaux  ne recèleraient pas des appartement habitées par des pigeons… et donc l’idée qu’une autre vie y serait possible ! Lire la suite et partager »