Radio : émissions 2012

Halte aux lois d’exception et aux contre-sens à propos des Rroms migrants.

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Cécile Poletti précise tout de suite l’approche qui est celle de la CIMADE : « Nous avons très rapidement fait le choix de ne pas aborder cette question sous l’angle « minorité ethnique Rroms » ; d’une part parce que les personnes que nous rencontrions dans nos permanences ne se présentaient pas comme des « Rroms » mais comme des citoyens de l’Union et d’autre part parce que la République française, une et indivisible, se refuse à reconnaître des droits aux individus du fait de leur appartenance à une « minorité ethnique » ».

La question des discriminations dont ces populations sont victimes du fait de leur appartenance à une minorité est réelle, que ce soit dans leur pays de nationalité ou dans d’autres états européens. Ces traitements discriminatoires doivent être – bien entendu – dénoncés et combattus.  Mais, en France, il faut d’abord accompagner ces personnes dans la défense de leurs droits fondamentaux, attachés à leur statut de citoyens de l’Union européenne. Pour cela il faut lutter contre les préjugés qui les enferment dans une « exception culturelle » qui tend à justifier des lois d’exception. Non, les Roms romains et bulgares ne sont pas des Nomades, beaucoup n’avaient et jamais vécu en caravane avant de s’exiler (la confusion avec les « gens du voyages » est trop souvent faite)… Oui, ils aspirent à une vie « normale » avec un travail et des enfants qui vont à l’école ! Le contexte politique, notamment le discours de Grenoble, prononcé par le Président de la République Nicolas Sarkozy en juillet 2010, et le contexte juridique, deux circulaires du ministère de l’Intérieur, du 24 juin et du 5 août 2010, appelant à « une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux des Roms », ont entretenu les préjugés et les confusions dans l’esprit de l’opinion publique et des acteurs publics. Bien qu’annulée en septembre 2010 compte tenu des réactions européennes et internationales, la circulaire du 5 août 2010 a produit ses effets. Au fil des démantèlements des terrains, les préfectures ont notifiées massivement des obligations de quitter le territoire français (OQTF) aux ressortissants bulgares et roumains présents sur ces lieux. La politique d’éloignement est devenue un outil pour traiter la question de l’occupation illégale des terrains. Cette politique d’éloignement du territoire français telle qu’elle a été déclinée sur les terrains était contraire au droit. D’abord parce que les vérifications d’identité et les notifications de mesure d’éloignement se sont faites de manière collective et stéréotypée, sans examen individualisé et sérieux, sans respect du secret, de l’intimité et de la dignité des personnes. Ensuite, au regard de ses objectifs : cette politique d’éloignement, de lutte contre une immigration qui serait illégale, est devenue un outil pour traiter la question de l’occupation illégale des terrains. Concrètement, il s’agit de contourner les délais accordés par le juge judiciaire aux occupants des terrains pour quitter les lieux en notifiant à ces mêmes occupants des obligations de quitter le territoire français, dont le délai de départ volontaire est d’un mois maximum ; ce délai dépassé, l’exécution d’office de l’OQTF, le retour forcé, peut être décidé par la préfecture. Les préfectures se livrent à un détournement de pouvoir et de procédure. Ce qu’il faut comprendre c’est que le contexte juridique et politique dans lequel s’exercent les droits des citoyens Bulgares ou Roumains est particulier. Parce qu’ils sont des citoyens européens, ces ressortissants bénéficient d’un droit fondamental à la libre circulation et au séjour, à la différence des ressortissants de pays tiers à l’union européenne. Qui dit droit fondamental dit protection élevée de ce droit en ce sens que l’État d’accueil ne peut porter atteinte à ce droit (par une mesure d’éloignement par exemple) que s’il y est contraint pour défendre un de ses intérêts fondamentaux tels que l’ordre public, la santé publique ou les finances publiques. L’éloignement d’un citoyen de l’Union par un État membre doit répondre à une menace réelle, actuelle et grave relevant exclusivement du comportement de l’intéressé. Une politique d’éloignement, fondée sur des raisons de prévention générale, comme cela est le cas en droit commun des étrangers, est interdite à l’encontre de citoyens européens, dans le cadre des engagements des États membres de l’Union. L’éloignement d’un citoyen de l’Union par un État membre doit répondre à une menace réelle, actuelle et grave relevant exclusivement du comportement de l’intéressé. Éloigner du territoire, sous couvert d’un retour humanitaire ou par un retour forcé, un citoyen de l’Union européenne qui dispose d’un droit fondamental à la libre circulation, à la mobilité économique notamment est absurde, sans compter qu’elle est destructrice des efforts engagés par ces concitoyens pour s’insérer en France : scolarisation des enfants, liens avec les acteurs de terrain, associatifs ou institutionnels (assistantes sociales notamment) dans des dynamiques de travail, d’apprentissage de la langue française, d’accès à la santé …

Le droit de séjour des citoyens roumains doit être pensé autrement qu’en termes d’éloignement du territoire, « volontaire » ou forcé. La responsabilité des pouvoirs publics français, responsabilité partagée avec les États de nationalité et l’Union européenne car nous sommes dans le cadre de la construction européenne, est donc d’accompagner les titulaires de ce droit dans sa mise en œuvre effective : accorder le droit d’exercer une activité professionnelle salariée, sans restriction aucune, permettre l’accès à la formation professionnelle, aux dispositifs de droit commun d’aide à la recherche d’emploi notamment. Seule une approche globale, dans la sérénité, la loyauté communautaire et la légalité permettra à l’État français de respecter, dans son action publique, ses engagements européens et d’éviter des situations qui ne sont ni dans l’intérêt de la société, ni dans l’intérêt des personnes. Il faut donc détacher la question de l’occupation illégale des terrains de celle du droit au séjour des Bulgares et des Roms ? Non, en fait, il est nécessaire d’avoir une approche globale de leur situation, détachée du prisme sécuritaire. L’occupation illégale de terrain n’est pas un choix. Il ne s’agit pas d’un mode de vie ethnique comme nous l’entendons trop souvent. C’est d’abord la conséquence de l’absence de volonté politique à rendre effectif l’accès aux droits premiers de ces citoyens de l’Union : le travail, la formation, la scolarisation, la santé, le logement … À la différence d’un Italien ou d’un Danois, un ressortissant roumain ou bulgare ne peut pas signer un contrat de travail avec sa seule pièce d’identité. Son droit au travail, donc sa possibilité « première » de s’insérer en France, lui est refusé. Récemment, le gouvernement a levé partiellement les mesures transitoires appliquées en France aux seuls ressortissants roumains et bulgares pour l’accès à une activité professionnelle salariée. Ce n’est pas suffisant, notamment parce que la principale des difficultés rencontrées réside dans la lourdeur administrative engendrée par l’obligation d’obtenir, avant d’exercer, une autorisation de travail de l’administration, direction du travail et préfecture. Ce n’est pas satisfaisant car cette levée partielle continue de rompre l’égalité de traitement entre les citoyens roumains et bulgares et les autres.


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