Films, radio : émissions 2011

Indices : sur la piste d’une autre forme de croissance avec Vincent Glenn

Ecoutez l’émission du 07 mars avec Vincent Glenn
Rencontre avec Vincent Glenn. Dans son nouveau documentaire Indices, le réalisateur s’attaque au sacro-saint Produit intérieur Brut (PIB), l’indicateur devenu LA référence d’évaluation de la richesse des nations. Et pour cause, cette mesure arbitraire et faussée de la croissance cache misère sociale et dégâts environnementaux, en se focalisant sur les biens produits, vendus et consommés. Face à ces limites, les sociétés entreprennent de trouver d’autres thermomètres. Enquête sur ces nouveaux indicateurs de richesse. L’apparition de l’Indice de développement humain (IDH), dans les années 1990, avait commencé à mettre en lumière cette évidence : la croissance ne fait pas nécessairement le bonheur. Mis au point au sein du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), sous l’impulsion de Mahbub ul Haq et Amartya Sen, deux économistes pakistanais et indien, l’IDH entreprend de mesurer le bien-être des sociétés en tenant compte du niveau de vie, du taux de scolarisation et de l’espérance de vie à la naissance. Il est compris entre 0 (exécrable) et 1 (excellent). C’est à la même époque qu’a émergé le concept d’empreinte écologique, peu après le Sommet de la Terre de Rio, qui s’est tenu en 1992. Exprimée en « hectares globaux », l’empreinte écologique est une estimation de la superficie de la Terre nécessaire à chacun pour assurer son mode de vie. Elle transforme ainsi les besoins de l’humanité en « biocapacité disponible ». Elle souligne l’insoutenabilité des modes de vie occidentaux, qui, étendus au reste du monde, nécessiteraient plusieurs planètes. En choisissant une unité de mesure physique, l’empreinte écologique rompt avec la logique purement monétaire et distille une façon radicalement nouvelle de regarder le monde, nos modes de vie et le développement.

L’Indice de progrès véritable, l’Indice de bien-être économique durable, le Bip 40, sont autant d’initiatives visant à décrire le plus précisément possible l’état de nos sociétés. Pour mettre au jour ses inégalités et déséquilibres, et se doter de politiques solides capables d’y suppléer. Cette multiplicité semble essentielle, pour mettre fin au rôle fétiche du PIB. Selon Jean Gadrey, « il faudrait un nombre limité d’indicateurs, disons entre 5 et 10, mais ayant une forte légitimité. Certains seraient centraux et d’autres plus secondaires. On aurait alors un tableau de bord fiable et compréhensible. »

Actuellement, pour tenter de ne pas couler, nos dirigeants sont plutôt décidés à s’accrocher aux vieilles valeurs du capitalisme, que sont la croissance (du PIB), et l’argent. L’alternative qui consiste à « internaliser les externalités », c’est à dire inclure dans le prix d’un produit tous les coûts induits (épuisement des ressources, pollution, traitement des déchets…) « ne remet en pas en cause le modèle de développement capitaliste, n’a pas d’effet à long terme et aggrave les inégalités », note Élise Lowy, chercheuse en sociologie, à l’université de Caen et auteure de travaux portant sur les indicateurs de qualité de la vie. Incarné par le principe pollueur-payeur, cette alternative permet en effet aux plus riches de s’en sortir les mains propres ! « C’est la logique du « productivisme durable version libérale » », ajoute Elise Lowy. Il existe aussi cette délicieuse idée de croissance verte. Qui promet que la technologie va permettre de résoudre les problèmes environnementaux sans modifier (ou si peu) nos modes de vie.

Nicolas Sarkozy avait bien promis, lors de la remise du rapport de la commission Stiglitz, en septembre 2009, qu’il y aurait « un avant et un après ce rapport ». Et qu’il fallait changer radicalement nos modes de vie et de production. Dans un élan de générosité (ou de délire), il avait même qualifié la réflexion engagée par la commission de « formidable révolution ». Mais « honnêtement, il n’y a pas eu beaucoup d’après », relève Jean Gadrey. « Si ce n’est des prises en compte de quelques-unes de nos recommandations dans la réalisation des travaux de l’Insee. Globalement, l’addiction de la recherche de la croissance à tout prix reste très forte. » En témoigne le dernier G20, qui a eu lieu à Paris au mois de février. Réfléchissant à la bonne manière de définir les déséquilibres de leurs pays, les dirigeants ont parlé taux de change, balance courante et déficit de dette. Pour la révolution, il faudra repasser.


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