Livres, Radio : émissions 2012

Les nouveaux mercenaires de la liberté d’entreprendre et de circuler : un panorama réaliste de l’économie contemporaine !

Écoutez l’émission du 18 juin Avec Michel Koutouzis

Si de nombreux ouvrages expliquent les mécanismes du blanchiment, listent les paradis fiscaux,  les mafias et autres organisations criminelles, et les décrivent souvent,  avec des accents picaresques, comme des « exceptions » à l’ordre établi, implicitement reconnu comme la norme…. le livre de Pascale Perez et Michel Koutouzis, « Crimes, trafics et réseaux, Géopolitique de l’économie parallèle », paru aux éditions Ellipses, est sans doute le premier à aborder la question de l’économie « informelle » d’un point de vue tout à fait inédit : celui des criminels eux-mêmes !

En effet, dès les premières pages, les auteurs nous expliquent quelle est la vision du monde des trafiquants et autres  vendeurs de drogue, d’armes, d’objets contrefaits ou d’Êtres humains. Il s’agit pour eux, tel des cosmonautes, de prendre de la hauteur pour voir quelles sont les zones de la planète qui échappent à tout contrôle et/ou règlementation afin de les investir et d’y développer leurs activités. On comprend aussi très rapidement qu’entre économie formelle et informelle la frontière est floue, pour ne pas dire inexistante et  que notre perception du monde en général et du crime organisé en particulier, alimentée par les images des médias et les discours de nos gouvernants, est totalement erronée. Cette perception, volontairement fragmentée, faussée par la volonté de décrire le monde tel qu’on le souhaiterait et non tel qu’il est, a conditionné une gestion routinière de la criminalité visible,  laissant ainsi des espaces ouverts au monde souterrain. Par exemple, les gouvernements européens font l’impasse sur la présence d’organisations criminelles discrètes préférant se focaliser et attirer l’attention de l’opinion publique  sur la petite délinquance exubérante. Ainsi, malgré  le foisonnement des études et des statistiques concernant le crime organisé, on perd la hiérarchie des objectifs et on confond vider une cage d’escalier de dealers de haschich et éradiquer le crime organisé dans le monde.

Exemples  à l’appui, la géographe et l’historien chercheur, tous deux membres de  l’Observatoire Géopolitique des Drogues, décrivent l’inter-connectivité des mafias présentes sur les différents continents en suivant la route des produits échangés, d’Europe en Afrique où les déchets toxiques s’entassent sur les côtes somaliennes. D’Asie où l’on fabrique vrais et faux médicaments en Amérique latine où ce sont parfois les criminels qui font la loi, au sens propre du terme…

Mais le point vraiment important soulevé par les deux chercheurs est que si les tenants de la criminalité ont su décrypter le monde et en tirer profit, le monde non criminel (ou supposé tel), n’est pas toujours insensible à leurs pratiques. Dans un domaine comme la finance, par exemple, les agissements des uns et des autres se rejoignent : chercher à accumuler en peu de temps un maximum de richesses, sans anticipation à long terme, est un comportement  que l’on retrouve aussi bien chez les délinquants que chez les traders. D’autant que les produits financiers constituent une « cuve commune  » acceptant l’argent des uns comme des autres, la crise actuelle accentuant ce phénomène. Ces passerelles, désormais structurelles, créent un monde complexe et multiple et contribuent à l’entropie mettant en péril l’État de droit : le monde criminel n’est plus installé à la marge du système, mais bien en son cœur !

Pascale Perez et michel Koutouzis sont également les auteurs de L’Atlas mondial des drogues (PUF, 1996)


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