Emissions en partenariat avec la revue "Hommes et Migrations", Films, Livres, Théâtre

Quelles representations, au théâtre et au cinéma, des jeunes issus de l’immigration et de leur(s) avenir(s) ?

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Écoutez l’émission du 25 mars avec Julien Abraham, Dominique Lurcel et Marie Poinsot

la-cita-rose-a-ses-rappeursDans cette émission en partenariat avec la revue Hommes et Migrations, il est question de la manière dont les jeunes issus de l’immigration sont représentés au théâtre et au cinéma. Avec Julien Abraham, le réalisateur du film La Cité Rose, actuellement en salles et Dominique Lurcel, metteur en scène de la pièce Pays de Malheur !, adaptée du roman « sociologique » de Stéphane Beaud et Younes Amrani. pays-de-malheur

A travers leurs deux réalisations, une comédie sensible et profonde pour l’un et un spectacle où se mêlent danse, texte et vidéo pour l’autre, se dessinent des approchent à la fois différentes et complémentaires de la perception des jeunes d’origine étrangère face à la réussite sociale. Entre « exception » et stigmatisation, ont-ils le droit à la « normalité » ? Le débat politique met l’accent sur la crise du modèle d’intégration et stigmatise certains jeunes d’origine étrangère pour leurs performances dans les secteurs clé de l’insertion, à savoir l’école, la formation et l’insertion professionnelle. Qu’en est-il des trajectoires des descendants de migrants ? D’autres facteurs comme les inégalités sociales, des ségrégations urbaines, des discriminations fondées sur l’origine semblent structurer l’accès de ces jeunes à la société française….

pays-de-malheur-3Pays de Malheur : À l’origine, un livre homonyme paru en 2003 sous forme de correspondance entre Younes Amrani, 28 ans, « emploi-jeune » dans une bibliothèque municipale de la banlieue lyonnaise et Stéphane Beaud, sociologue et enseignant à l’université de Nantes. Younès parle de ses espoirs déçus investis dans l’école républicaine, du chômage, de la drogue, de la religion, de conflits au sein de sa famille, de sexualité, de politique, de racisme et d’hypocrisie. Il dit sa vérité avec une intelligence et une lucidité rares, en espérant faire évoluer les préjugés et idées reçues sur « la banlieue ». Pays de malheur passe au crible avec justesse la société…

La-Cite-RoseLa Cité Rose : Aucun nom d’acteur vedette au générique de ce premier long-métrage réalisé par Julien Abraham,  une thématique qui, en général, résiste plutôt mal aux clichés, une affiche aux couleurs vives sur laquelle trois gamins semblent rejouer Jackass et cette phrase « Il ne faut jamais s’arrêter de rêver » juste au dessus du titre, en lettres rouges, énormes, La Cité ROSE…  Autant d’éléments qui font de ce film un véritable objet cinématographique non classifiable ! Va-t-on assister à une vision de la banlieue, à la manière de Bienvenue chez les Chtis ? A un documentaire plein de bons sentiments mettant en scène des jeunes des cités ? Dès les premiers plans du film, toutes ces appréhensions s’évaporent. Pas de doutes, on est bien au cinéma : la musique, les mouvements de caméras, les plans panoramiques en surplomb de la cité, l’enchainement des séquences et surtout l’incroyable travail sur la photo et la lumière nous indiquent que ce premier film est ambitieux. Julien Abraham et toute son équipe y ont mis toute leur énergie et leur talent et on va en prendre plein la vue ! Aussi, ils ont fait des choix courageux. Tout d’abord en dévoilant, dès les premières secondes, l’épilogue, tragique, de l’histoire. Ainsi le film tient non pas grâce à un suspens savamment entretenu, mais par la force du scénario qui met en scènes les parcours de trois cousins : Mitraillette, douze ans, par la voix duquel l’histoire est racontée, Isma, son cousin de seize ans, qui se laisse séduire par Narcisse, le caïd du quartier et devient guetteur pour la bande de dealers de la cité et son grand frère, Djibril, vingt-deux ans, brillant étudiant en droit à La Sorbonne, futur avocat, amoureux d’une fille de bonne famille de sa promo qu’il n’ose pas présenter à sa famille, tandis que Mitraillette, lui, aimerait sortir avec Océane, la plus belle fille du collège… Leurs destins sont liés, au cœur des tours de La Cité Rose, un endroit qui existe vraiment, à Pierrefitte en Seine-Saint-Denis. D’ailleurs c’est de cette banlieue que sont originaires deux des coscénaristes et c’est là que vivent certains acteurs, des amateurs recrutés sur place pour incarner les personnages du film.

Ensuite, dans une volonté affichée de ne pas éluder les phénomènes de gangs, de trafic de drogues et de violence, en plus de montrer les poursuites avec la police, les règlements de compte entre dealer et les scènes d’initiation assez insoutenables, le film offre l’opportunité, rare, d’entendre les arguments ce ceux qui se livre à ces trafics. Il y est aussi question de la possibilité de faire de brillantes études lorsque l’on est issu de l’immigration et à fortiori d’une zone plutôt « excentrée »… et de la difficulté d’intégrer la vie professionnelle quand on n’as pas les bonnes cartes au départ….

Sans pathos mais avec humour et tendresse, ce film dresse une galerie de portraits d’adolescents et préadolescents plus attachants les uns que les autres.  On suit leurs histoires d’amour et d’amitié, leurs bagarres et leurs jeux, leur concours et leurs paris débiles… Et leur bonheur de vivre ici, ensemble dans cette cité-village où tout le monde se connait. Au détour d’une conversation entre les femmes du quartier, on comprend que les préjugés raciaux sont monnaie courante, même chez ceux qui, par ailleurs, les subissent. A chaque fois que l’une des thématique relative à l’image de la banlieue et de ceux, souvent issus de l’immigration, qui y habitent est abordée, c’est au travers de scènes très nuancées. Sans parti-pris. En cela Julien Abraham réussit la gageure de nous faire réfléchir sans devenir « donneur de leçons ».

Au-delà du scénario, c’est aussi le casting qui fait de La Cité Rose, tourné au cœur du quartier à l’été 2011, un film qui sonne juste. Le réalisateur a fait le choix de recruter sur place la plupart des comédiens et leur a laissé une part d’improvisation. Les acteurs sont donc pour la plupart des novices qui, avec leur langage, leur gestuelle et aussi leurs maladresses, apportent des accents de vérité et de sincérités indéniables. D’ailleurs, presque tous ont été repérés à l’issu des premières projections et certains comme Azize Diabaté Abdoulaye, qui incarne magnifiquement Mitraillette, sont sans doute promis à une brillante carrière.

A moins qu’on ne les revoit bientôt à l’écran dans leurs propres rôles. En effet au départ Julien Abraham inspiré par La cité des hommes, une série brésilienne qui raconte le quotidien, fait de hauts et de bas, de deux jeunes des favelas de Rio, voulait faire une série. Finalement La cité Rose est devenu un long métrage mais structure du scénario qui laisse beaucoup d’ouvertures possibles et le foisonnement des personnages, tous plus truculents les uns que les autres n’excluent pas une suite…. Mais la poursuite de cette belle aventure dépend assurément de l’accueil réservé au film par le public, donc courrez le voir en famille et parlez-en entre et autour de vous !


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