Ecoutez l’émission du 3 mars avec Caroline Bollati
Rencontre avec Caroline Bollati, responsable du pôle enfermement à la CIMADE et auteur de l’article intitulé « traverser les murs », dans le dernier numéro du magazine Causes communes.
La population étrangère en prison sur le territoire métropolitain est de 17,7% , principalement présente en région parisienne (peut atteindre 50% dans certaines grosses Maisons d’Arrêts). Les étrangers en prison cumulent beaucoup d’handicaps, outre le choc de l’incarcération il y a l’éloignement de leur famille et la barrière de la langue qui font que leur passage en prison est souvent un parcours du combattant. En prison il faut souvent écrire pour organiser sa vie quotidienne (médecin, dentiste, avocat, juge, directeur), écrire pour s’inscrire à une activité. Même si au bout d’un certain temps la personne peut un peu se débrouiller à l’oral, le passage à l’écrit relève de la mission impossible. Un codétenu peut parfois servir d’écrivain public mais ce service est le plus souvent payant, il faut le payer en cigarettes, timbres ou produits alimentaires. Le détenu sans moyens peut donc très vite sombrer dans le silence et le désespoir. Être étranger en prison c’est aussi ne pas recevoir des nouvelles fréquentes de sa famille et en prison le sentiment d’impuissance démultiplie l’inquiétude. Que l’on pense par exemple à l’angoisse des détenus haïtiens lorsqu’ils ont appris le tremblement de terre dans leur pays, l’angoisse des détenus africains quand une guerre se déclenche dans leur région d’origine. La prison pour les étrangers et surtout pour ceux qui ne parlent pas Français est un monde doublement clos, doublement pénalisant dont ils ignorent les codes et la culture et même s’ils parviennent parfois à l’appréhender, à s’aménager une vie, l’après prison leur apparaît alors comme un gouffre encore plus noir.