Ecoutez l’émission du 6 juin avec Clémence Racimora, en charge des solidarités internationales à la Cimade
La question des migrations du Maghreb reste au cœur de l’actualité politique nationale et internationale. A l’heure ou l’Europe se méfie de ses propres accords de Schengen, ou les migrants se noyent sous les yeux des forces de police et d’armée des Etats européens, la Cimade publie le rapport d’observation issu d’une mission menée en Tunisie entre avril et mars 2011. Dans le camp de la Chucha où La Cimade a mené, conjointement avec le Gadem (Groupe d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants), une mission d’observation en avril (lien vers le rapport), des milliers d’hommes et de femmes sont bloqués depuis des semaines. La majorité d’entre eux sont Érythréens, Ivoiriens, Somaliens, et contrairement aux dizaines des milliers d’autres migrants fuyant la Libye, ils ne peuvent pas être rapatriés chez eux. Un incendie dans la nuit de samedi 21 à dimanche 22 mai, causant la mort de quatre Érythréens, a provoqué un vent de panique et de révolte au sein des communautés d’exilés, d’autant que des rumeurs laissaient entendre la possibilité d’un incendie criminel provoqué par des conflits entre réfugiés pro et anti-Khadafi. La Tunisie a accueilli depuis le mois de février plus de 380.000 exilés de Libye, la plupart au camp de la Chucha à quelques kilomètres de la frontière. Quelques 3000 personnes sont présentes dans ce camp depuis des semaines, voire des mois et leur inquiétude sur leur devenir s’est transformée en cauchemar. 3000 personnes dont on sait depuis des semaines, contrairement aux dizaines de milliers d’autres qui ont pu rentrer chez elles, qu’un retour au pays n’est pas possible (Somaliens, Erythréens, Ivoiriens, Soudanais etc.). Les quelques milliers de réinstallation demandées depuis le mois de mars par le HCR à la communauté internationale et qui représentent si peu pour un espace de 27 États qu’est l’Union européenne, auraient probablement pu éviter ces drames. Pour l’heure, l’Union européenne n’a accueilli, entre l’Italie et Malte, que 1,5% des exilés de Libye et continue, face à la Tunisie confrontée à de multiples défis, de crier, avec une indécence effarante, à l’« invasion » sur les côtes italiennes. Sans aucun doute, la Tunisie avait besoin d’un autre soutien.
La Tunisie fut le premier bourgeon du printemps arabe. Sa révolution initiée le 19 décembre 2011 a su mettre fin à une dictature de 23 ans, et a impulsé un élan de révolte s’étirant du Maroc au Yémen, en passant par la Libye, l’Egypte ou encore la Syrie. Aujourd’hui en pleine phase de transition démocratique, la Tunisie doit faire face à de multiples défis, parmi lesquels la gestion des réfugiés en provenance de Libye. L’accueil offert à plus de 400 000 personnes implique une série d’enjeux à la hauteur de cette exemplarité (voir ici pour un autre témoignage). La situation dans le camp principal (Choucha) de la frontière Tunisie-Libye s’est dramatiquement dégradée, urgence sanitaire, incendie meurtrier… La société tunisienne malgré toute sa fragilité actuelle se mobilise pour offrir un accueil digne à ces migrants déracinés, mais une aide importante est plus que jamais nécessaire. Pourtant, la Tunisie reste soumise à des pressions iniques imposées par des pays européens apeurés devant les 20 000 ressortissants tunisiens débarqués sur ses côtes à la rencontre d’une liberté retrouvée. Du 27 mars au 6 avril 2011, une mission conjointe de la Cimade et du Gadem, s’est rendue à Tunis et à Zarsis (lieu de départ principal pour l’émigration), puis à Ben Guerdane et Ras Jdir à la frontière avec la Libye. Des aspirations démocratiques de la société tunisienne, aux installations humanitaires d’accueil des réfugiés, la mission a voulu explorer et observer les réactions politiques et humaines aux défis qui détermineront la Tunisie de demain.