Chroniques de Vincent Turban, Radio : émissions 2015

Stevie Wonder : Visions Intérieures… 1972-1976

Ecoutez la chronique de Vincent Turban du 11 mai
music-of-my-mindEn ce début des années 70, le navire amiral qu’est Motown Records traverse une période de remous. Après la crise d’émancipation artistique de Marvin Gaye, HitsvilleUSA doit gérer désormais les désidératas d’indépendance de Stevie Wonder. L’ex Little Stevie Wonder, parvenu à sa majorité en 1971, est vraiment surpris de recevoir  » seulement  » 1 million de dollars en lieu et place des 30 millions qu’il espérait (il aligne tube sur tube depuis 1963).

Stevie prend la décision de quitter Motown, un véritable coup de tonnerre dans le music business. Le multi-instrumentiste de génie finance de sa poche la conception et l’enregistrement de son nouvel album en plus du million touché. L’inflexible Berry Gordy le retient en renégociant un contrat qui lui offre une liberté artistique totale, du jamais vu dans l’histoire du label.

Ce pari risqué au départ, prendra un peu de temps à mûrir et sera le point de départ d’une série d’albums-concepts novateurs qui débute avec la sortie de  » Music Of My Mind  » sorti le 3 Mars 1972.L’œuvre visionnaire d’une seule personne (production, composition, instrumentation, chant) assisté de 2 programmeurs/ingénieurs spécialistes des synthétiseurs, Bob Margouleff et Malcolm Cecil qui font découvrir à Stevie Wonder les sonorités novatrices et futuristes du TONTO, acronyme pour The Original New Timbral Orchestra, le premier et unique synthétiseur multitimbral et polyphonique, un instrument unique au monde. Il est important de souligner que le tout le matériel sonore provenant de cette époque servira à l’élaboration des 3 albums suivants.

 » Love Having You Around « ,  » Keep on Running  » et  » Superwoman  » sont à mes yeux les meilleurs titres de cet album qui changera à jamais la carrière du chanteur. Wonder est invité dans la foulée par les Rolling Stones à ouvrir la première partie de leur tournée américaine.  » Talking Book  » (1972) contient de grands moments ultra-funky comme « Superstition  » au clavinet diabolique,  » Maybe Your Baby  » et sa basse épaisse jouée au synthé Moog,  » You’ve got it Bad Girl  » et son ambiance sensuelle ou  » Tuesday Heartbreak « . Un disque vraiment indispensable si on met de côté la bluette idiote et dégoulinante de sucre à tuer un diabétique à coup sûr, le dispensable  » You Are The Sunshine Of My Life « .

 » Innervisions « (1973) ne fait que confirmer la formidable marche en avant vers le succès et le triomphe avec des joyaux funk aux contenus acerbes et réalistes de la société américaine vis-à-vis des afro-américains tels  » Living For The City  » ou  » Higher Ground « .Difficile de le nier, la griffe sonore Wonder a tout bonnement révolutionné pour toujours la musique soul et funk.
Cette période faste sera un peu ternie le 6 Août 1973 car Stevie Wonder est victime d’un accident de la route dont l’issue aurait pu être dramatique. En revanche, cette année là l’artiste recevra plusieurs distinctions prestigieuses dont 2 Grammy Award. 1974,  » Fulfillingness’ First Finale  » vient clore la liste des chefs d’œuvres publiés en l’espace de 2 ans. Fortement empreint de son contact avec la Faucheuse, cet opus enrichit son géniteur de 2 nouveaux cartons :  » Boogie On Reggae Woman  » et  » You Haven’t Done Nothing  » (feat the Jackson 5).

1975, Stevie Wonder est moins exposé médiatiquement et se concentre sur des collaborations avec Minnie Riperton et Rufus et sa pétillante chanteuse Chaka Khan pour qui il écrira  » Tell Me Something Good « . Quasiment réduit au silence, Wonder revient sous la lumière des spotlights avec  » Songs In The Key Of Life  » sorti le 28 Septembre 1976.Hélas, même s’il contient des moments de grâce et de pur génie (I Wish,Black Man,As ou Pastime Paradise), ce copieux triple vinyle marque un virage orienté variété avec des chansons comme  » Isn’t She Lovely  » ou  » Sir Duke « .


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