Livres, Radio : émissions 2013

Travail acharné, consommation illimitée, PIB, croissance : dé-croire en ces « valeurs » mortifères pour vivre en harmonie !

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Ecoutez l’émission du 9 décembre avec Dominique Meda, Chantal Guillaume, Serge Latouche, Samuel Michalon et Baptiste Mylondo

decroissanceDans La mystique de la croissance. Comment s’en libérer, (Editions Flammarion), Dominique Méda s’attache à décrire l’origine (pas du tout « naturelle ») de notre engouement pour la croissance et ses  corollaires, la consommation illimitée, la pollution et la destruction suicidaire de la biosphère.

Elle dénonce le caractère anachronique et medapervers des indicateurs – tel le PIB – qui sont devenus nos fétiches… Le principale travail à accomplir pour inscrire nos sociétés et tout simplement notre suivie dans la durée est de rompre avec  nos croyances, liées à l’avènement de la modernité : le caractère intrinsèquement bon de la maximisation de la production, le progrès confondu avec l’augmentation des quantités, la passion de l’enrichissement personnel… Elle exige aussi de mettre un terme à la prétention de l’économie, prisonnière de deux hypothèses délétères : le capital humain ou l’innovation technique pourront toujours se substituer au capital naturel, lequel n’a pas besoin d’être protégé en soi ; il suffit de donner un prix, une valeur monétaire, à la nature et de conserver les mêmes raisonnements économiques habituels pour résoudre tous les problèmes,  à décrire seule le monde que nous voulons. Il faut par exemple dresser un inventaire du patrimoine naturel de l’humanité que l’on souhaite protéger et décider collectivement d’un indicateur complémentaire au PIB mesurant les dégâts écologiques et sociaux. Les pays industrialisés doivent s’habituer à un monde de croissance faible et être capables de créer de l’emploi par la réduction négociée du temps de travail, par les gisements d’emplois de la transition énergétique et agricole, et par le développement des » services de bonne vie ». Mais seule la puissance publique pourra mener cette transition, de manière centralisée mais négociée. Un programme pour sauver la planète mais aussi redonner sens au travail. Et à nos vies.

couv-tempspleinLe travail, ou plutôt l’emploi salarié, c’est justement le thème du livre de Samuel Michalon , Baptiste Mylondo et Lilian Robin qui nous proposent dans Non au plein temps subi ! Plaidoyer pour un droit au temps libéré (éditions du Croquant), une analyse à contre courant de la place de l’activité salariée dans nos vies.  Eux-mêmes déserteurs du temps plein, les auteurs affichent un goût très modéré pour la fable du  « travailler plus » et préfèrent à la création d’entreprise celle de coopératives d’inactivité. À rebours des discours dominants mais en phase avec les aspirations d’un grand nombre de salariés, ces chantres de la valeur temps libre contestent joyeusement le primat accordé au marchand et à l’économie. Leur plaidoyer pour la reconnaissance d’un véritable droit à l’inactivité (entendu comme temps libéré à consacrer à… ce que bon vous semble) constitue une des déclinaisons concrètes d’une ambition plus grande, qui vise à repenser la place du travail dans notre société et à remettre au cœur du débat l’émancipation des individus et la justice sociale.

Et puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de construire une société d’abondance frugale, il est intéressant de se pencher avec Serge Latouche, sur les textes des précurseurs de la décroissance. C’est ce que fait ce penseur historique du mouvement  décroissant dans la collection Les précurseurs de la décroissance, qu’il dirige aux sein des éditions Le passager clandestin. Des petits volumes pour faire connaître à un large public la richesse et la complexité de la pensée de la décroissance, en deux parties : un spécialiste présente l’auteur, puis un texte ou un ensemble d’extraits de textes de l’auteur illustrent sa vision.

ellulSerge Latouche s’est lui même essayé à l’exercice avec l’ouvrage consacré à Jacques Ellul, dont la critique de la démesure technicienne et l’analyse du « totalitarisme technicien », comptent parmi les pièces maîtresses du projet, en l’alimentant aussi bien sur le plan théorique que sur celui des propositions concrètes. Jacques Ellul a dénoncé en maints endroits et avec la plus grande fermeté la démesure de la société occidentale, la croissance et le développement. Il a montré que la société économique de croissance ne réaliserait pas l’objectif de bonheur proclamé de la modernité, et que les évolutions de la technique étaient incompatibles avec les rythmes de l’homme et l’avenir du monde naturel.

 

Quant à Chantal Guillaume, c’est dans l’oeuvre de Charles Fourier (1772-1837), dont elle est une exégète passionnée qu’elle a choisi de traquer les trace d’une pensée décroissante. Son ouvrage ,  Charles Fourier, ou la pensée en contre-marche présente le phalanstère comme une alternative aux  faux prodiges de la société industrielle

fourier« Casse-cou utopiste », comme Fourier se qualifie lui-même, il ne craint pas d’aller à contre-sens des évidences de son époque. Sa dénonciation des « faux prodiges » de la société industrielle, qui enrichit et appauvrit, « donne les éléments du bonheur mais pas le bonheur » le rattache ainsi vigoureusement à ces précurseurs de la décroissance que fait découvrir cette collection. L’œuvre de Charles Fourier déploie une philosophie de la richesse, une critique de l’industrialisme et du commerce qui préfigurent les excès de l’économie marchande et devancent la réflexion socialiste de son siècle. La lire à la lumière d’une problématique – la décroissance – qui lui est en partie extérieure se révèle donc fécond et permet d’explorer tout un pan de sa pensée occulté jusque-là.

Sans nier ses outrances ou ses tendances à l’hyper-organisation sociale, Chantal Guillaume rappelle que Fourier est le contemporain de la naissance du capitalisme thermo-industriel, dont il envisage en visionnaire les effets, les impasses et les limites. Il apparaît ainsi comme l’inventeur d’une penséeencontre-marche de celle qui domine les esprits son temps.
Visionnaire lorsqu’il fait la critique de « l’économisme » qui encourage la spéculation, la banqueroute, « la pléthore » de marchandises ; ou quand il dénonce les dysfonctionnements du commerce, facteur de surproduction et de gaspillage, Fourier propose des substituts à cette organisation sociale et économique défaillante. Sans supprimer propriété et classes sociales, Fourier propose d’autres formes d’associations domestiques, agricoles et industrielles qui sont autant de solutions inédites de vie collective : phalanstère, comptoir communal, canton sociétaire…, et qui visent à retrouver autonomie et rationalité dans les circuits de production et de consommation… comme le préconise la décroissance.

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