Films, Radio : émissions 2012

Coulisses d’un été.

Écoutez l’émission du 19 mars avec Florence Dauman et Marceline Loridan-Ivens

Rencontre (heureuse) avec Florence Dauman, la réalisatrice du film un été plus 50, prolongement utile du chef d’œuvre de Jean Rouch et Edgard Morin. Marceline Loridan-Ivens, l’une des figures marquante de ce film nous a également fait l’immense honneur de nous apporter son témoignage durant cette émission.

« Chronique d’un été, c’est le premier film qui m’a fait voir les autres« , a dit Roland Barthes. Cela se passe à Paris en 1960. Alors que la guerre fait rage en Algérie et que le Congo lutte pour son indépendance, Edgar Morin, sociologue, et Jean Rouch, cinéaste et ethnologue, vont enquêter sur la vie quotidienne de parisiens pour tenter de comprendre leur conception du bonheur… Alors que l’on assiste à la naissance de Nouvelle Vague et de ses Quatre Cents Coups, Edgar Morin suggère à Jean Rouch de tenter une expérience cinématographique de « cinéma-vérité ». Ils interviewent des parisiens (et aussi une tropézienne se prenant pour Brigitte Bardot) de toutes classes sociales sur la façon dont ils se débrouillent avec la vie. Première question : êtes-vous heureux ? Les thèmes abordés qui en découlent sont variés : l’amour, le travail, les loisirs, la culture, le racisme…

Presque injustement relégué en bonus ou « complément », dans DVD qui vient de sortir aux éditions Montparnasse, « Un été + 50 », le film documentaire réalisé en 2011 par Florence Dauman, la fille du producteur de « Chronique d’un été », repose sur une sélection de séquences inédites du film de Rouch et Morin, enrichies de passionnants entretiens avec les intervenants du film (Edgar Morin, Régis Debray…) Leurs propos recueillis en 2010, cinquante ans après le tournage de « Chronique d’un été », nous invitent à une nouvelle lecture d’un film qui a contribué à changer l’histoire du cinéma français. Lire la suite et partager »

Films, Radio : émissions 2012

De Memoires d’ouvriers : un film pour que les « 23% » se sachent nombreux, intelligents et puissants !

Écoutez l’émission du 5 mars avec Gilles Perret

Rencontre avec Gilles Perret, le réalisateur de « De mémoires d’ouvriers, l’autre France d’en haut ». Ce documentaire s’ouvre sur l’évocation de la fusillade de Cluses (1904) où les patrons tirèrent sur les ouvriers grévistes, utilisant les images d’archives de la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain. A travers les souvenirs de retraités et d’autres toujours en activité, le film retrace la mémoire des ouvriers des montagnes de Savoie, de la naissance de l’électrométallurgie, en passant par les grands travaux des Alpes et la mutation de l’industrie, jusqu’au déploiement de l’industrie touristique.
Dignes et lucides, les hommes rencontrés par Gilles Perret se souviennent de ce qu’ils furent et témoignent de ce qu’ils sont devenus dans la mondialisation.

Mais au delà de leur propre histoire et de celle de leur région, c’est de celle d’une classe sociale, divisée à dessein et qui a aujourd’hui peu conscience de son existence, de son pouvoir et de sa force potentielle dont est ici question. Gilles nous montre qu’il est temps que les ouvriers reprennent la place qui leur est due , dans la société, dans la représentation nationale, dans les médias…. Imposez-vous, c’est ce que l’on a envie de leur crier à tous ! Ils sont six millions, dont 70% ne votent pas… Ne n’y trompons pas, grâce à leurs voix un autre monde est surement possible !

Retrouvez la vidéo de l’entretien avec Gilles Perret sur http://tele.horschamp.org/, la Web télévision liée à la revue Cassandre Horschamp, où vous découvrirez bien d’autres pépites ! Lire la suite et partager »

Films, Radio : émissions 2012

À l’ombre de la République, un film qui porte hors des murs la voix des sans droits !

Écoutez l’émission du 5 mars avec Stéphane Mercurio

Grâce à ce film de Stéphane Mercurio, en salles depuis le mercredi 7 mars, les personnes enfermées dans des lieux où le droit (notamment celui du travail) laisse souvent place à l’arbitraire, ont enfin la parole ! A travers la caméra de la réalisatrice nous suivons le travail de Jean Marie Delarue, le contrôleur des lieux de privation de liberté (dont le rapport vient de paraitre) et de ses équipes. Ainsi ce documentaire nous fait pénétrer à l’intérieur des murs de la maison d’arrêt de femmes de Versailles, de l’hôpital psychiatrique d’Evreux, de la centrale de l’île de Ré, et de la toute nouvelle prison de Bourg-en-Bresse.

Si  « A l’ombre de la République« , est réussit, c’est parce qu’il atteint un double objectif :

D’abord il nous montre, nous fait entendre les détails, les humiliations quotidiennes, les manques essentiels, l’ennui quotidien qui font de la prison ou de l’hôpital psychiatrique un véritable enfer… Le diable est dans les détails, dit-on… C’est précisément ce qui, à l’extérieur, semblerait anecdotique, qui rend la détention insupportable. Si le travail des contrôleur, lors de leurs visites, consiste d’abord à écouter et quand c’est possible à soulager. La compréhension fine du système carcéral qu’ont acquis cette trentaine d’hommes et de femmes qui visitent les lieux de détention les amènent tenter d’y faire appliquer la loi et respecter les droits fondamentaux des êtres humains.

Mais au delà de l’urgence, la caméra de Stéphane Mercurio et les photos de Grégoire Korganow permettent de révéler le problème de fond et surtout de société (c’est à dire notre problème à tous), que pose l’existence même de certains de ces lieux d’enfermement. Pourquoi, en prison, on peut travailler 60heures par semaine (tous les jours), et ne même pas toucher 200 € à la fin du mois ? Entre ces murs le SMIC n’existe pas… les prisonniers sont « à l’ombre » des lois de la république française ! Et pourtant, faute de pouvoir étudier, se former à un métier, lire … les détenus travaillent, pour s’acheter, à prix d’or de quoi manger et surtout pour ne pas mourir d’ennui… L’ennui et l’isolement  sont , justement, les caractéristiques principales des nouvelles prisons, aseptisées et où personne ne se voit ni ne se parle, où les portes sont plus nombreuses que les surveillants… Enfin, la question est clairement posée : à quoi sert la prison ? Au delà d’un certain nombre d’années, l’espoir de pouvoir se reconstruire une vie  DEHORS s’amenuise et sans but ni objectif, ces personnes abandonnées par la société se sentent sacrifiées. Et ils le sont. Lire la suite et partager »

Films, Radio : émissions 2012, Rencontres, débats ...

Acrimed nous apprend à lire, à écouter, à voir d’où l’on nous informe… le contenu, souvent, en découle !

Écoutez l’émission du 13 février avec Ugo Palheta

Ugo Palheta, l’un de ses animateurs, nous présente  l’association Action-CRItique-MEDias  (Acrimed), née du mouvement social de 1995, dans la foulée de l’Appel à la solidarité avec les grévistes. Elle  réunit des journalistes et salariés des médias, des chercheurs et universitaires, des acteurs du mouvement social et des « usagers » des médias afin d’assurer un travail de veille, de décryptage et de critique indépendante, radicale et intransigeante à l’égard de tous les « producteurs d’information », qu’elle soit écrite, radiophonique ou télévisée. Ainsi, sur le site d’acrimed et dans le magazine Medias critique(s), on trouve des analyses et des décryptages d’articles de presse d’émissions de radio ou de télévision, des ouvrages apportant un éclairage théorique et des invitation à assister à diverses rencontre comme les jeudis d’ACcrimed ou des débats autour de film comme, les nouveaux chiens de garde, que les membres de l’association accompagnent Lire la suite et partager »

Films, Radio : émissions 2012, Rencontres, débats ...

Maurice Audin : la vérité avant l’oubli ?

Écoutez l’émission du 23 janvier avec Josette Audin

 

Projeté ce jeudi 26 novembre au cinéma Les trois Luxembourg, le film de François Demerliac« Maurice Audin,  la disparition », également disponible en DVD  retrace l’histoire, hélas emblématique de celle de beaucoup d’autres, de Maurice Audin, un jeune mathématicien algérois, membre du Parti Communiste Algérien et militant de la cause anticolonialiste. Ce père de trois jeunes enfants n’a que 25 ans quand il est arrêté, en 1957,  en présence de sa femme Josette,  par les parachutistes français. Sa famille ne le reverra plus jamais. Il est peu après déclaré « évadé » par l’armée.

Aujourd’hui, en 2012, à l’heure où une loi mémorielle clientéliste vient d’être votée, il semble que l’Etat français ait la mémoire sélective…   Malgré 50 ans d’enquêtes et de procès, la justice a refermé ses dossiers sans condamner les coupables du meurtre d’Audin, et de tant d’autres, ni reconnaître les faits : la torture et l’assassinat. Les souvenirs s’estompent, les documents se perdent et les derniers témoins disparaissent à leur tour. Après celle de Maurice Audin, nous assistons à une nouvelle disparition : celle de la mémoire. À l’aide de témoins historiques, le film revisite la Guerre d’Algérie à travers le destin d’un individu, devenu le tragique symbole de ce conflit sans no

Ce film, est le témoin d’une quête de justice dont le but que la vérité sur le meurtre du jeune Maurice Audin, arrêté, torturé, puis déclaré évadé par les parachutistes d’Alger, en 1957 soit reconnue et dite. Ce documentaire entrecroise des témoignages des protagonistes français et algériens : militants pour l’indépendance algérienne, avocats, historiens, militaires… En s’appuyant sur les recherches de l’historien Pierre Vidal-Naquet, il mêle documents (archives filmées, journaux, livres, dessins …) et scènes de reconstitution pour retracer le contexte de cette disparition et dénoncer la torture et le meurtre pratiqués en Algérie. Josette Audin est le personnage central et le « commanditaire » moral de ce film. Lire la suite et partager »

Films, Livres, Radio : émissions 2012

Bourdieu n’est pas mort !

Écoutez l’émission du 23 janvier avec Bourdieu, Maler et quelques aboyeurs

 

Le regard et l’analyse du sociologue Pierre Bourdieu, notamment sur la télévision, reste d’une ardente actualité. Tout comme d’ailleurs les propos tenus par Serge Halimi dans son livre « Les nouveaux chiens de garde », paru en 1997 et dont le film éponyme, réalisé par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat est actuellement sur les écrans des (bonnes) salles de cinéma.

Les médias se proclament « contre-pouvoir ». Pourtant, la grande majorité des journaux, des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intimement liés au pouvoir. Au sein d’un périmètre idéologique minuscule se multiplient les informations prémâchées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois d’ascenseur. En 1932, Paul Nizan publiait Les Chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’imposaient en gardiens de l’ordre établi.
 Aujourd’hui, les chiens de garde, ce sont ces journalistes, éditorialistes et experts médiatiques devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre social. Sur le mode sardonique, Les Nouveaux chiens de garde dressent l’état des lieux d’une presse volontiers oublieuse des valeurs de pluralisme, d’indépendance et d’objectivité qu’elle prétend incarner. Avec force et précision, le film pointe la menace croissante d’une information pervertie en marchandise. Il dénonce aussi ceux qui entretiennent la confusion entre les profession de camelot, de porte parole, et de journaliste…

Cette confusion des genre savamment entretenue dans l’esprit des consommateurs d’information comme dans celui de ceux qui la produisent ou la relaient, le titulaire de la chaire de sociologie au collège de France la dénonçait déjà, au siècle dernier dans le film de Gilles l’Hôte. On notera également que, devant la caméra, Bourdieu affirme sans détour que les vraies révolutions sont celle des esprits, celles qui changent les perceptions, les « manières de voir », de façon définitive… Et ces révolution, ce sont les artistes qui les produisent. Effectivement les références de Bourdieu en la matière vont vers la peinture…. et il est important de constater que pour lui l’art culture ne sont donc en rien des épiphénomènes mais bien le cœur même de notre société pour ne pas dire de notre civilisation ! Pour cette raison, entre autres, il faut avec Henry Maler, d’Acrimed s’indigner du fait que l’on tente de discréditer Bourdieu et, comme il le fait aussi, décoder les raison de cette haine féroce…. des raisons très simples, contenues dans son œuvre et dans le film Lire la suite et partager »

Films, Radio : émissions 2012, Rencontres, débats ...

Amoureux au ban public : présumés couple…able !

Écoutez l’émission du 16 janvier avec Pauline Raï et des extraits du film de Nicolas Ferran

Au nom de la lutte contre les  » mariages blancs », ou même « gris » et de la « maîtrise » de l’immigration familiale, les couples franco- étrangers subissent depuis plusieurs années le durcissement continu des politiques d’immigration. C’est pourquoi, en juin 2007, le mouvement des Amoureux au ban public est créé  sous l’impulsion de la Cimade et milite pour le droit au respect de la vie familiale des couples franco-étrangers. Répondant à un besoin croissant et intensifié par les récentes lois sur l’immigration, ce mouvement a essaimé dans toute la France et s’appuie aujourd’hui sur une vingtaine de collectif locaux animés par 200 bénévoles. Nicolas Ferran, l’un des fondateur du mouvement vient de réaliser un film afin de donner la parole à ces couples à qui l’État français dénie le droit de s’aimer sereinement. Ce documentaire sera projeté samedi 21 janvier 2012 à la Bellevilloise, à Paris.  Sur l’écran, avec intensité et émotion, 13 couples décrivent dans ce film un parcours du combattant pour se marier en France, faire reconnaître un mariage célébré à l’étranger, obtenir un visa pour la France ou bénéficier d’un titre de séjour. Leurs témoignages ne relatent pas des dysfonctionnements exceptionnels. Ils mettent à jour une politique répressive qui a décrété la mise au ban des couples franco-étrangers dans notre pays. Réduire l’immigration résultant des mariages franco-étrangers, tel est bien depuis quelques années l’un des objectifs des gouvernements qui se sont succédé. Il fut un temps où la France garantissait aux couples franco-étrangers le droit de s’unir et de vivre de façon stable sur son territoire. Que reste-t-il désormais de la liberté du mariage ? Que reste-t-il encore du droit de mener une vie familiale stable ?

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Expositions, Films, Radio : émissions 2012

L’oeil sur les rues, 23 regards artistiques et singuliers sur l’espace public !

Écoutez l’émission du 2 janvier avec Marion Jeunet et Christian Coq

 

Jusqu’au 15 janvier, courrez à la Villette pour découvrir l’exposition « L’oeil sur les rues ». A l’intérieur du pavillon Delouvrier, les images accrochent le regard, les sons, qui parfois se mélangent, vous font tendre l’oreille… Et les questions immanquablement affleurent ! En fait, cette exposition qui regroupe 23 vidéos d’artistes de cultures, d’âges et d’horizons divers, nous plonge dans une atmosphère de foisonnante urbanité.

Pour guider le visiteur, parfois perplexe face à des scènes qui lui sont étrangères, Marion Jeunet, la médiatrice, est présente à chaque instant et se tient prête à répondre aux questions des petits comme des plus grands. Extrêmement pédagogue, cette jeune femme souriante se fera une joie de vous apporter toutes les précisions nécessaires à votre visite avec le même enthousiasme qu’elle l’a fait à mon micro.

Quant à Christian Coq, le commissaire de l’exposition, il nous explique avec quelle passion il a concocté ce savant mélange dans le plus grand respect des artistes et de leur travail et, avec comme objectif premier, celui de susciter la curiosité puis la réflexion chez un large public.  Effectivement cette exposition gratuite n’est pas réservé initiés…  la sensibilité de chacun sera, à coup sûr, touchés par ces vidéos dont certaines nous interpellent, nous projettent au cœur d’un évènement, tandis que d’autre nous entrainent dans une réflexion poétique, une invitation à la contemplation ou encore une plongée en  nous-même.

Et quand on se retrouve dehors, dans la « vraie rue », on est bien décidé à pendre le temps… juste quelques minutes, pour observer, avec un œil nouveau, les gouttes d’eau qui glissent entre les pavés, juste devant la grande Halle… cet homme qui Lire la suite et partager »

Films, radio : émissions 2011, Rencontres, débats ...

Les équipes du festival des 3 continents à la rencontre du public de demain… ou de l’année prochaine !

Écoutez l’émission du 28 novembre avec Julie Brebion et Nicolas Thévenin ainsi qu’une chronique de Guy Autret

Émission réalisée lors de la 33e édition du Festival des Trois Continents à Nantes, consacrée aux actions pédagogiques.

Julie Brebion, qui coordonne les actions de sensibilisation des publics dans le cadre du Festival des Trois Continents de Nantes, ainsi que Nicolas Thévenin, co-programmateur de la sélection « La figure du héros  » et intervenant dans les dispositifs d’éducation à l’image, nous expliquent l’importance cruciale de leurs missions envers les jeunes cinéphiles. En fin d’émission Guy Autret nous propose d’entendre les mots inspirés par sa vision du film thaïlandais, « P-047 », du réalisateur Kongdej Jaturanrasmee, présenté en compétition Lire la suite et partager »

Films, radio : émissions 2011

Lors de sa 33e édition le festival des 3 continents consacre Saudade, la vision décapante d’un Japon méconnu

Écoutez l’émission du 28 novembre avec Katsuya Tomita, B6K et DJ Spark ainsi qu’une chronique de Guy Autret

Émission réalisée lors du festival des 3 continents avec Katsuya Tomita, dont le film Saudade a remporté le grand prix, ainsi que les musiciens nantais B6K et DJ Sparkqui sont allés voir le film. Sur le plateau de cette dernière émission coproduite par les radios de l’EPRA lors du 33e festival des 3 continents à Nantes, le jeune réalisateur indépendant japonais  parle de son film,  qui dresse un portrait atypique de son pays. Ce long métrage auto-produit évoque le sous prolétariat japonais, les questions identitaires, les tensions liées à l’immigration et l’éclosion du rap et du hip hop comme symptôme d’un malaise social. Également aux micros, le rappeur B6K, et le DJ Spark, deux Nantais, échangent avec le cinéaste à propos du rôle de la musique, notamment quand les populations opprimées d’en emparent.

Saudade n’est pas un film parfait. Certaines scènes paraissent mal terminées, certains plans brouillons, quelques travellings vacillants et la colorimétrie discutable. En dehors de ces (rares) faiblesses de forme, Saudade est un film juste, à la narration irréprochable. Mais sa vraie force, ce qui en fait une œuvre admirable, c’est bien son fond cohérent et sans compromis. Au Japon, une poignée de jeunes hommes, tiraillés entre travail, passions, opinions, rêves… voilà le cœur de Saudade. Jamais à l’aise, jamais confortables, toujours dans cette attente mélancolique d’un “ailleurs, autrement” qui n’est exprimée convenablement que par ce terme portugais, saudade. À part peut-être Hosaka, revenu d’un brumeux passé thaïlandais, aucun personnage principal ne semble être dans son élément ici, à Kofu. D’autres personnages sont brésiliens ou philippins, soumis à un racisme latent qui s’infiltre dans le quotidien. Beaucoup craignent ou haïssent l’autre, qu’il soit immigré ou japonais. Tous sont oppressés par la tension ambiante de la récession et par le malaise croissant d’un sentiment de fin imminente. Dire que le cinéma japonais est cyclique relève de l’évidence : dans un pays victime d’une catastrophe naturelle à peu près tous les demi-siècles, l’art résonne des échos d’une tragédie, qu’elle soit déjà arrivée ou à venir, et est nécessairement influencé par cette fatalité. Mais Saudade n’est pas un film fataliste, au sens où il raconte les derniers instants avant la “fin”, avant le désespoir. À Kofu, l’expression “peace and love” est une lubie de Tokyoite drogué. Les immigrés brésiliens à qui l’on avait promis « dix fois leur salaire » fuient un à un le pays. Le chômage fait irruption brusquement quand un patron prend sa retraite. À tout point de vue, Saudade est le théâtre de la fin des illusions. Illusion, cette entreprise de construction déficitaire dans un marché notoirement sous-traité. Illusion, l’utopie d’un « rêve japonais ». Illusion, la paix et l’amour . L’amour qui s’efface devant l’argent lorsque la maîtresse du brave Seiji refuse de retourner avec lui en Thaïlande. Illusion, le bonheur ostentatoire et factice d’une classe moyenne arriviste, gavée d’élixir miracle. Écrasées sous la pression, les âmes cèdent et la raison marque le pas. Yurihiko, le suiveur influençable d’un groupe de rap identitaire d’extrême-droite, incarne l’éloge de la folie et contamine Takeru, un personnage d’une justesse étourdissante. Hésitant entre rappeur haineux et jeune homme perdu en pleine déroute familiale, Takeru finit par abandonner la raison en commettant l’impensable. Tout est montré dans le mécanisme de violence identitaire. Lire la suite et partager »